Est-ce qu’on meurt?

death-1728289_640Lorsqu’au sujet de la mort j’ai posé la question autour de moi   : « Est-ce qu’on meurt ? » j’ai été surprise de rencontrer des partisans du « Évidemment », et du « Pas du tout ». Comment expliquer une telle différence de point de vue sur une question si universelle ? Selon le petit Larousse, la mort est « la cessation complète et définitive de la vie. » Mais est-on sûr qu’on connaît assez ce qu’est la vie pour se permettre de déterminer quand elle cesse ? La physique quantique, l’astrophysique et les neurosciences repoussent sans cesse les frontières du champ de ce qui vit, si bien que la définition de la mort comme un terme à la vie n’est peut-être pas absolument exacte. En d’autres termes, si je dis que la vie s’arrête quand s’arrête mon existence, c’est qu’il n’y a pas de vie en dehors de l’existence. Remplaçons donc le mot « vie » par le mot « existence ». Ça nous donne, avec la définition complète, que « la mort est la cessation complète et définitive de l’existence par la cessation des fonctions vitales du corps. » On peut aussi formuler la chose ainsi : mourir c’est sortir du temps, mais est-ce que toute la vie est dans le temps ? L’option d’un oui ou d’un non explique la divergence des réponses que j’ai reçues. Examinons donc la question sous cet angle. Qu’on meure ou qu’on ne meure pas, quelles en sont les conséquences pour nous ?

Comme le dit Bouddha : « Tout ce qui apparaît change sans cesse et disparaît ». A la mort, la vie s’en va du corps comme à la naissance elle y essquelette-timbre__180t entrée. Sur ce point la réponse à la question « Est-ce qu’on meurt » est indéniablement oui. A quoi se voit donc que la vie d’un corps s’est envolée ? Après la guillotine ou le bûcher, la question ne se pose pas. Mais il y a aussi des gens à qui la mort laisse un temps le corps comme il était juste avant. Pourtant, tous ceux qui ont vu des cadavres affirment que radicalement, quelque chose n’est plus comme avant. La Camarde est passée par là, on sent l’absence de ce qui habitait là. Si on regarde les yeux, rien n’y regarde plus rien, la bouche jamais plus ne parlera et les lèvres sont scellées sur le silence, plus jamais le corps ne dansera parce qu’il n’y a plus rien pour le faire danser. La mort, c’est la fin des pensées, la fin des émotions, la fin du corps, la fin du mouvement. Quelque chose a expiré sans plus d’inspiration. Le cadavre est vide, la matière est morte.

Le cadavre est vide, mais si j’ose une remarque crue, pas pour longtemps, la matière est morte, pas pour longtemps non plus ! Bouddha disait que « la décomposition est inhérente à tout ce qui est composé. » Un corps étant bien composé de différents éléments, sa décomposition n’est plus à prouver, et elle est rapide, je peux vous l’assurer. Un matin d’été, en rentrant du marché, je n’ai pas vu que quelques saucisses s’étaient échappées de leur sac pour se cacher au fond du coffre de ma voiture. Vous devinez qu’elles n’ont pas pu tenir indéfiniment leur fuite secrète : le surlendemain, quand j’ai repris ma voiture sous le soleil, j’ai failli tomber raide en ouvrant la portière… Et ça n’arrive pas qu’aux saucisses ! D’ailleurs, au 14ème et au 15ème siècle, période des guerres de religion où la mort se dressait partout hideuse en ses cadavres, la mode dite des transis (de ceux qui étaient passés outre tombe : « trans » ) représenta dans les cathédrales et les mausolées des corps en décomposition. Si vous allez à l’église de Bar le duc, vous verrez debout un mort peu ragoûtant, puisque le Prince d’Orange avait demandé paraît-il qu’on le sculpte comme il serait trois ans après sa mort. Louis XIII et sa femme sont aussi représentés en transis, ce qui nous paraît bien étrange aujourd’hui qu’on farde le défunt, allant parfois jusqu’à lui rembourrer les joues pour maquiller la mort… Vous imaginez dans les lieux les plus visités, le buste de De Gaule ou de Mitterrand troué par cette lèpre, le corps ajouré et en lambeaux ? Berk !

montaigne-dumonstierEh bien justement, berk. C’est parce que la mort fait peur, parce qu’elle vient n’importe quand, n’importe comment, sans crier gare, mais qu’elle vient inévitablement déchirer notre temps, c’est pour ça qu’il faut l’apprivoiser, en faire une compagne constante. La mort, il faut la déminer. Les philosophes, de Socrate à Montaigne ont donc affirmé que « philosopher, c’est apprendre à mourir ». Montaigne rapporte qu’à son époque, lorsqu’un homme était condamné à mort, il était d’usage que le parlement lui permette de vivre ses derniers jours comme il l’entendait, « à se promener par de belles maisons et faire bonne chère. » Puis il pose la question : « Cet homme en profitera-t-il ? » Sûrement que la peur de la mort l’empêchera de profiter de la vie. Voilà qui est irrationnel ! Puisque la mort est inévitable, à quoi sert-il de vouloir l’éviter ? La discipline du compagnonnage a pour objet de nous permette de vivre tranquille et apaisé devant l’inéluctable.

Les représentations des transis étaient donc des sortes de manifestes philosophiques pour rappeler aux hommes ce qu’ils veulent oublier : que l’existence terrestre n’est pas éternelle et que dès le début elle file vers sa fin. Normalement, ça donne envie de bien vivre chaque aujourd’hui et de ne laisser passer aucune occasion d’être heureux, d’apprendre, d’aimer.

Alors où en sommes-nous de ce compagnonnage avec notre mort ? Est-ce que nous vivons sereinement avec elle ? sommes-nous bottés et prêts à partir, comme disait Montaigne ? Faisons un petit test. Entraînons-nous maintenant un instant sans tricher, à penser que nous allons mourir et qu’en quelques secondes le sang ne circulera plus dans nos veines, notre corps deviendra froid puis rigide. En sortant d’ici, je pourrais tout à fait être fauché par la mort me terrassant de l’extérieur : je pourrais être écrasée, renversée, poignardée. Ou alors, voyons… La mort pourrait surgir de l’intérieur de moi. Je pourrais faire une crise cardiaque ou un AVC sur le trottoir. Ou encore… J’arrête ! apparemment nous avons encore besoin de philosopher. Revenons tranquillement à l’existence dans ce canapé et continuons.

Donc, si nous devions plier bagage à l’instant, que laisserions-nous aux autres en partant ? Quel est l’état actuel de nos lieux ? Voici pour notre réflexion une petite série de questions. Si nous validons que nous ne sommes pas prêts, c’est que notre réponse personnelle à la question est-ce qu’on meure? c’est quand même non, et que nous pensons avoir encore largement le temps de chausser nos bottes, comme si nous avions la moindre autorité pour fixer rendez-vous à la Faucheuse. La teneur de nos réponses nous indiquera donc la part de notre déni de la mort. Parés pour la liste ? Courage, ce n’est pas long.

Quand on quitte des lieux, ne serait-ce que des toilettes, la consigne est de les laisser aussi propres que nous les avons trouvés en entrant, plus propres, c’est encore mieux ! Dans notre existence, où en sommes-nous de notre ménage, vous savez, le ménage dans nos affaires, dans nos finances, le ménage de la maison, de nos placards, le ménage de notre intimité, de nos émotions, de nos opinions ?

Précisons. Y a t-il des gens auprès desquels nous remettons une conversation que nous sentons nécessaire mais difficile ? Y a-t-il des gens à qui nous n’avons pas dit que nous les aimions ? Y a-t-il des gens que nous n’aimerions toujours pas au moment de tirer notre révérence, ayant remis sans cesse au lendemain le travail de nous pacifier, de leur pardonner, de les laisser aller ? Y a-t-il des gens enfoncés dans une erreur que nous leur aurions transmise par nos paroles ou notre façons de vivre alors même que dans certains cas nous avons évolué ? Nous sommes-nous excusés de nos erreurs ? Y a-t-il un coin de nature qui se souvienne de nos déchets ? Un lopin de terre que nous ayons pollué parce que nous y avons vécu l’incompréhension, l’effroi ou la fureur sans y fagiraffe-1505159_960_720ire le ménage ? Y a-t-il des zones de notre vie où nous n’allons pas ? Des renfoncements trop tristes, ou trop honteux, ou trop coupables ? Des placards fermés et malodorants comme mon coffre de voiture à saucisses ? Avons-nous pris vraiment nos problèmes à bras le corps ? Avons-nous tout préparé pour que nos enfants, nos familles ou la nation n’aient pas trop de travail après notre départ, ni à rembourser nos emprunts ? Que léguons-nous à ceux qui nous survivent ? Sommes-nous tranquilles ? Bref, est-ce que ça pue, ou est-ce que ça sent bon ?

Je pourrais vous raconter comment une de mes voisines dut sortir de l’appartement de son frère des centaines de bouteilles et de boites de conserves vides qu’elle transbahuta jusqu’à la nausée, mais je préfère vous rapporter le témoignage de Christiane Singer. Elle rapporte qu’un vieux rabbin d’Amérique se demanda dans la profondeur de son être ce qu’il pouvait faire avant sa mort pour aider une dernière fois l’humanité, et qu’il entendit ces mots : « Ne laisse aucune trace de ta souffrance sur la terre ». Le vieil homme aussitôt, après cinquante ans d’éloignement, s’envola pour l’Europe et retourna chercher sur un pont le jeune garçon qu’il fut, lynché à douze ans et laissé pour mort par des nazis. Il le prit par la main, le consola, l’emmena contre son cœur et ne laissa sur le pont qu’une ondée d’amour. Ce pont après sa vie fut plus beau qu’avant sa naissance. Cette anecdote m’est précieuse parce que c’est merveilleux de penser que ce qui nous attend nous attend. Nous n’avons pas à culpabiliser, on peut toujours nettoyer, il n’y a de date limite que la limite de notre existence. Et puis, il n’y a rien de si grave qui ne puisse être nettoyé : ni viol, ni sévices, ni torture, tout peut être enveloppé, embrassé. L’amour a toujours le dernier mot.

Et autrui, est-ce que pour nous, il meurt ? Je veux dire, y pensons-nous clairement et paisiblement ? Si vous êtes comme moi, non ! Nous devrions pourtant parce que la mort de ceux qu’on aime nous concerne aussi. A ceux qui restent sur la terre s’ouvre l’expérience de l’absence et plus le mort était proche, plus difficile est l’apprentissage de ce nouvel équilibre « sans ». Il faut rajouter du temps au temps, refaire des premières fois « sans » : premiers matins, premiers soirs, premiers anniversaires, premiers Noëls, et toutes occasions intimes de rappel. C’est tout un travail que de guérir de l’absence, travail qui nécessite de retourner vers soi-même pour retrouver la source de la vie en soi, sans l’autre, retrouver cette sensation de présence que nous donnait l’absent. On appelle ce travail faire son deuil. Et en même temps que j’y réfléchis, je vois bien que le deuil n’est pas exclusif aux suites d’un décès. Nous avons tous connu je pense, la fin irrémédiable d’une relation, d’une situation ou d’un rêve, fin qui n’a heureusement entraîné la mort de personne. Enterrer un être, un rêve ou une situation ou une relation, c’est une chose ; en avons-nous fait le deuil ? C’est une autre chose.dsc_0031

Dans tous les cas, le deuil dépasse l’enterrement. Alors dans le jeu de la vie, quels sont les jeux du deuil ? tous les deuils sont des jeux de dessaisissement : la mort physique ou circonstancielle de l’autre en nos vies nous amène à consentir à la mort du bonheur qu’il représentait. Ce ne sera profondément possible que si nous trouvons une autre source de bonheur et de sécurité, plus fiable : en nous. Du flux de nos vies quelqu’un a débarqué mais restons conscients que le fleuve n’a pas tari. Il offrira d’autres paysages à qui veut bien continuer à glisser sur son eau, tant qu’il coule. Rude travail, mais travail vital.

Ça me rappelle une lointaine conversation avec une dame en pleurs.
– Que se passe-t-il madame, qu’avez-vous ?
– Je repense à mes garçons, mes jumeaux ! Il étaient si beaux, si gentils et pleins de vie ! Dire qu’ils sont morts tous les deux dans cet accident de voiture…
Je consolai cette dame comme je pus, c’est à dire fort mal. Finalement je lui dis que le temps ferait son travail et qu’elle finirait par trouver la paix. J’ajoutai :
– Il a eu lieu il y a combien de temps, cet accident ?  »
Elle me répondit : «  Quarante ans. »

J’en fus traumatisée. La femme de Lot fut dit-on pétrifiée en statue de sel parce que, bravant l’interdiction, elle se retourna vers son passé qui n’était plus que ruines. Ainsi m’est apparue cette femme incapable du deuil, incapable de rejoindre en elle la source d’un bonheur, immobilisée dans le refus, tournant le dos au présent. Elle avait eu d’autres enfants, elle était grand-mère, mais sa vie s’était figée au-dessus du précipice qui avait englouti ses fils et sa propre existence. Oui les autres meurent, donc oui, il faut apprendre le deuil…

D’ailleurs expérimenter la disparition définitive de qui l’on aime est un coup d’épée qui transperce le cœur, d’autant plus profond que la mort paraît moins normale, mais c’est aussi un aiguillon qui peut conduire à plus de justesse, plus de sagesse et plus d’amour dans notre façon de vivre tant que nous sommes ensemble.

Un jour nous ne serons plus là, les autres non plus : un jour irrémédiablement ils mourront avant nous, ou nous serons partis avant eux. Alors prenons soin les uns des autres tant que nous sommes ensemble, partageons le bonheur. En ce qui concerne le bien fait à autrui, il est imprudent de s’en remettre à un hypothétique demain. Et pour les dissensions ? Il est imprudent aussi de se coucher en colère… Et encore, si avec le cœur nous prenions vraiment conscience que des gens meurent de faim tandis que nous jetons négligemment à la poubelle un plat périmé, est-ce que cela ne nous amènerait pas à plus de vigilance ? Dans tous les cas, compagnonner avec la mort, la nôtre ou celle des autres, nous ouvre l’intelligence au prix de la vie.

Répondre « oui on meurt », c’est dire oui à la vie, puisque la conscience qu’elle va s’arrêter nous invite à profiter de l’instant qui est là. J’écoutais à France Inter un peintre âgé dont je ne me souviens plus le nom. On lui demandait ce qu’il pensait de la mort et il a répondu dans un rire : « Si elle ne me guettait pas, jamais vous ne m’auriez programmé cet après-midi ». On a vu des gourmands se resservir d’un plat au premier signe qu’on allait l’enlever. De même, nous souvenir que l’existence nous sera ôtée a pour objet d’exciter notre appétit en nous rappelant que nous ne serons pas indéfiniment à sa table.

Les poètes l’ont joliment formulé : Cueille le jour, habite le moment présent. « Jeune fille, disaient-ils par exemple, au printemps de ta vie tu rayonnes de beauté au point que le soleil au matin en est jaloux. Mais vite, vite, tu vas vieillir. Alors carpe diem, la belle, cueille le jour, et entre sans plus tergiverser dans ma chambre, yvoire_cadran_solaireavant que plus personne ne te remarque et que la mort ne te ravisse. »

Cette argumentation dépasse le statut de la simple astuce de drague, car si chaque instant nouveau nous rapproche de la fin et célèbre la mort de l’instant précédent, cela signifie que chaque instant non vécu est définitivement perdu. Il ne reviendra jamais, il n’y aura pas de deuxième chance pour ce moment-là, du moins dans l’état actuel de nos sciences qui ne peuvent nous faire revenir dans le passé. Puisque le temps nous est compté, la question de nos choix et de notre attention à vivre est donc cruciale. Nous pouvons être morts avant la mort simplement en ne vivant pas vraiment la vie. C’est ainsi que je comprends ce dialogue étonnant entre Jésus et un homme qu’il appelait à le suivre. Celui-ci lui dit : « Permets-moi d’abord d’enterrer mon père. » Et Jésus  : « Laisse les morts enterrer les morts »…

Alors, petit test. Nous, aujourd’hui, avons-nous été vivants, bien calés sur le présent ? Avons-nous vraiment vu toutes les personnes, les animaux, les arbres que nous avons croisés ? Ou alors, tournant la phrase autrement, aurions-nous mangé machinalement, écouté d’une oreille, raté des occasions de nous sentir bien ? Mais où étions-nous donc ? Probablement dans notre mental, dans notre histoire de vie… Il me revient deux vers de Victor Hugo dans son sonnet  Demain dès l’aube.
« Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
   Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit. »
Il n’est pas si facile de vivre à fond. Le mental est nécessaire, mais il est comme tout, s’il sort de sa juste place, il devient nuisible ; je vous en parle d’expérience moi qui ai vu l’eau de la rivière sortir de son lit pour aller jusque dans les rues… Ce fut moins agréable que de la voir couler au fond du jardin.

Quand le mental nous envahit de pensées, nous perdons l’attention constante à ce que nous vivons, nous ne sommes même plus conscients que nous respirons (ce qui est quand même la base de la vie) et il est bien possible qu’alors nous nous fourvoyions hors du juste sentier. C’est pourquoi – avant qu’il ne soit trop tard, il peut être utile de nous aider d’un livre dans lequel Bronnie Ware, infirmière australienne en soins palliatifs a recensé le top 5 des regrets des patients sur leur lit de mort. A partir de ces statistiques nous serons libres d’essayer de rectifier ce qui doit l’être pour ne pas avoir de regret à la dernière heure.

Premier regret : « J’aurais aimé avoir le courage de vivre ma vie et pas celle que les autres attendaient de moi. » Quels autres ? D’abord nos parents, nos profs, puis la société, la religion, puis peut-être nos enfants etc. Quand j’étais jeune, Dutronc rêvait d’être une hôtesse de l’air ; et nous, avons-nous enterré un rêve ? Est-il trop tard pour le réaliser ? Nous voulons épargner notre entourage ? N’ayons pas peur du séisme, ce n’est que du mensonge qui s’écroule.
snail-1447233__180Deuxième regret : « J’aurais aimé travailler moins. » Facile à dire, sans doute, mais voyons là où nous sommes consentants : n’acceptons-nous pas des heures sup’ sous divers motifs  ? Et quand nous n’avons pas de travail, ne nous en inventons-nous pas ? Une semaine de libre n’est-elle pas parfaite pour repeindre la cuisine ?
Troisième regret : « J’aurais aimé avoir le courage d’exprimer mes sentiments. » Courage qui commence par celui de sonder en vérité nos sentiments. Courage de dire qu’on aime, courage d’affronter les conflits en cherchant les mots justes quand on est dérangé. Courage du risque des conséquences des paroles…
Quatrième regret : « J’aurais aimé garder contact avec mes amis.  » Nous, aujourd’hui quel temps leur accordons-nous ? Pensons maintenant à une vieille amitié qu’on a perdue de vue, en sommes-nous réellement satisfaits ? A l’heure d’internet, skype, facebook etc, c’est plus facile qu’autrefois.
Cinquième regret : « J’aurais aimé m’accorder plus de bonheur. » M’accorder plus de bonheur… Au seuil de la mort, on s’aperçoit qu’on avait plus de liberté qu’on ne se l’était fait croire, et qu’on aurait pu en faire plus grand usage. Faisons-nous vraiment des choix dans nos vies ou nous laissons-nous dériver selon les circonstances et les personnes ? Nos choix sont-ils justes ?

Puisque le temps passe vite, n’attendons pas notre agonie pour nous poser toutes ces questions ! Faisons de la mort la servante de la vie.

D’ailleurs nous ne ferons en cela qu’appliquer les principes de notre corps qui meurt et vit indépendamment de l’idée que nous nous en faisons, si bien que nous sommes insensibles à ce qui disparaît. Par exemple, si nous avons des pellicules, nous les brossons sans requiem alors que pourtant le moindre de ces bouts de peau contient toute notre information. Cent à cent cinquante milliards de globules rouges naviguent en nous, quelle est leur durée de vie ? Trois mois à peine ! De même si quelqu’un s’avisait de nous traiter de vieille peau, ce ne serait pas un scientifique : notre peau meurt et se renouvelle en trois ou quatre semaines. Tous les affolés du bronzage savent bien à quelle vitesse il disparaît, tous les grands brûlés savent combien il leur a fallu souffrir ! Et comment ce processus se fait-il ? On a découvert au microscope électronique que ce sont les cellules elles-mêmes qui envoient à l’extérieur de leur membrane un signal pour attiser l’appétit des globules blancs. En cas d’attaque microbienne, les lymphocytes devenus inopérants déclenchent eux-mêmes leur disparition. Notre corps est donc un univers de cent mille milliards de cellules plus jeunes que nous. Ça meurt en pagaye et sans obsèques à l’intérieur ! Et nous, on s’en moque parce que les cellules qui meurent sont remplacées par d’autres grâce à la division cellulaire. De la même façon les jardiniers coupent les branches des roses fanées pour que vienne une deuxième floraison. Ce qu’on tranche est déjà mort.cells-75305_640

Un jour pourtant, ce processus de renouvellement se ralentit et s’arrête, on meurt. Mère (épouse de Sri Aurobindo) affirmait que cette dégénérescence et cette mort programmées pouvaient être déprogrammées. Bouddha n’aurait pas polémiqué là-dessus : puisque tout ce qui est composé se décompose, la composition de la formule de mort doit pouvoir être dissoute et remplacée.

Mais bon, pour l’instant, à ce que j’en sais du moins, les recherches continuent et le corps, après avoir sans arrêt décidé la mort de telles ou telles cellules pour la maintenance du site, lance un jour un programme d’autodestruction générale. En est-il triste ? Il me semble qu’on peut en douter : pourquoi serait-il plus triste d’arrêter tout son fonctionnement en même temps qu’il ne fut triste en opération de maintenance de s’en débarrasser par district ? Une feuille d’automne qui tombe et pourrit au sol est-elle triste, l’arbre sort-il son mouchoir ? Le corps qui meurt n’en fait pas une histoire.

On peut en dire autant de la plupart de nos émotions et pensées. Si nous reprenons le cours de notre existence, nous constatons nous avons beaucoup changé depuis notre enfance. Nous ne voulons plus être vendeuses de glaces ou pompier, nous n’habitons plus dans le même lieu, des amours s’en sont allés, nous avons commencé à aimer les épinards et abandonné les roller. Comme les peintres ont leur période bleue, puis leur période rose, de même nos goûts, nos penchants, nos activités fluctuent. Nous n’en sommes pas morts, ce fut même une source d’intérêt que cette impermanence, tant que nous n’étions pas identifiés à ce qui partait. Sur ces plans là aussi, il nous est donc arrivé de mourir sans mourir.

Le maître mot pour vivre – et mourir, paisiblement c’est donc que notre ego n’attrape rien, pas même l’idée d’un moi. En supprimant le moi, on supprime la peur de le perdre, c’est logique ! En effet la plus grande peur devant la mort, la peur qui chez la plupart des gens résiste à l’entraînement et s’exprime ne serait-ce que par le déni, c’est que « tout fout le camp » ! Tout quoi ? Tout nous : notre corps, nos émotions, nos idées et notre histoire, ce qu’on résume par le mot vie ; nous craignons de perdre la vie, oui, notre vie, plus exactement. Or d’une façon générale, que craint-on de perdre ? Seulement ce que nous possédons. Je n’ai buddha-1157996_640aucune crainte de perdre le porte-feuille ni de Hollande, ni de Poutine, et vous ?

Autrement dit, si nous parvenions à nous désidentifier de tout ce que nous appelons notre vie, nous serions libérés de la peur d’un seul coup, sans plus de compagnonnage disciplinaire ! C’est Bouddha lui-même qui nous donne cette information.  Est-ce possible ?

Oui, puisque nous l’avons déjà fait. Le problème est que nous ne nous en souvenons plus… Quand nous étions bébés, nous n’étions pas identifiés à notre corps car nous n’avions pas conscience de quelque chose qui serait nous. Cette notion se crée peu à peu à mesure que se créent dans certaines zones du cerveau des connexions neuronales qui relient le corps aux sensations. On les appelle zones de Brodman en l’honneur de leur découvreur. C’est ce processus dans le cerveau qui crée l’identité personnelle. Ce phénomène d’appropriation du corps comme identité existe aussi chez les animaux. J’ai un jour assisté à une joie extraordinaire d’un chiot qui jouait avec un compagnon aussi enthousiaste que lui : il fuyait la poursuite de sa queue. Quand le vieux chien sait qu’elle est dans son corps, il perd un jeu, mais sa conscience progresse.

Il est donc clair à tous pourtant qu’un chiot, ou qu’un bébé, c’est vivant, et ça aime vivre sans attendre l’achèvement de ses connexions neuronales ! Quand nous étions nouveaux nés, nous étions donc nous aussi vivants, mais sans identification à notre corps. Qu’est-ce qui vivait alors quand nous vivions ? Ni Hubert ni Claudia, mais l’intelligence et le désir de vivre de l’univers s’exprimant à travers nous comme à travers la fleur qui pousse, éclot, s’épanouit, fane et se rend à la terre. C’est bizarre, oui, mais puisque le bébé n’est pas là et que ça marche quand même, c’est que la vie seule s’exprime à travers lui. Logique ! S’il venait à mourir, l’univers ferait l’expérience de cette mort, mais pas le bébé en tant que Hubert ou Claudia, pour l’excellente raison qu’ils n’existent pas encore en tant que personne « répondant » au nom de Hubert ni de Claudia. Beaucoup de souffrance en moins.

Mais maintenant que nous sommes grands, que nous goûtons des plaisirs à l’existence terrestre, comment faire passer ce processus de désidentification dans la conscience ? Sans doute au préalable en remarquant que ce décollement n’empêche pas notre existence terrestre de se dérouler. Ce n’est pas parce que nous ne nous prenons pas pour nos baskets que nous ne pouvons pas marcher avec !

Et puis comment ? En goûtant que nous sommes aussi autre chose que l’existence terrestre, afin que notre dessaisissement ne soit pas seulement privation mais voie d’accès à plus de joie, plus d’amour, plus de connaissance. Je dis plus, mais ceux qui ont fait cette expérience disent que ça n’a pas de comparaison : ni plus ni moins, c’ciel-bleu1est un plongeon dans l’inconnu, du même ordre exactement que l’expérience de la mort. Alors comment mourir vivants, ou vivre dans cette dimension totalement libre avant la mort ? Montaigne et Platon ont prôné la philosophie, les traditions bouddhistes et les neurosciences actuelles préconisent la méditation.

La méditation a justement pour objet ce dessaisissement conscient. La méthode est très simple : il suffit de s’asseoir et d’oublier. Oublier quoi ? nos émotions, nos opinions, nos soucis, notre passé, notre avenir, bref tout ce qui fait de nous un Hubert ou une Claudia. La vie des prophètes est un enseignement autant que leurs paroles, et la mort de Jean-Baptiste nous dit la même chose : il fut décapité et on apporta sa tête sur un plateau, comme un ornement. C’est dans la tête en effet que prend naissance l’idée d’un moi, ne la gardons que comme ornement!

Cet entraînement à la méditation a donc pour objet de nous décentrer du tumulte qui forme notre frichti habituel, pour rencontrer une zone de calme d’où nous pourrons observer nos pensées et nos émotions sans pour autant chercher à les supprimer. Comme quand on monte de la ville et qu’on arrive à un observatoire dans la montagne, on la voit dans un espace plus large et donc moins importante. Peu à peu, on se rend compte qu’on n’est pas uniquement ces émotions et ces pensées, puisque nous pouvons les regarder. Si j’étais ma colère, je ne pourrais pas la voir et si j’étais mon œil je ne le verrais pas : l’œil voit la main il ne voit pas l’œil… Il existe donc quelque chose en nous qui voit nos mouvements internes et qui même est conscient d’en être conscient. Peu à peu en nous intéressant à cette conscience que nous sommes conscients, quelque chose en nous s’élargit et se défocalise, on se sent mieux et plus calme et les instruments de contrôle scientifiques actuels confirment des changements dans le cerveau, le pouls etc, au point que par pur souci de rentabilité, les Américains ont rendu cette méditationtarot-la-mort obligatoire dans de nombreuses entreprises sous le terme de méditation de la pleine conscience.

Ce décollement n’est pas seulement un dessaisissement de nos bruits et de nos désordres intérieurs, il est une prise de contact avec un état de tranquillité et d’amour qui les dépasse, qui nous dépasse. En d’autres termes, méditer c’est par petites doses apprendre le grand lâcher prise que nous vivrons à la mort. Dans la mort nous n’emporterons rien de ce qui est apparu sur terre et qui est destiné à disparaître, nous ne pourrons rien garder, ni notre histoire, ni notre corps, ni nos émotions, ni nos principes, ni même le cassoulet ou le vélo. Il faudra lâcher tout ça.

Comme ça nous aiderait sûrement d’en savoir un peu plus, en attendant l’expérience de cet au-delà qui est pourtant simplement un « là », allons de ce côté.

Certains soutiennent qu’on saute dans le néant, comme les matérialistes et les existentialistes du 20ème siècle. Sartre a même affirmé que « l’existence précède l’essence » et se dissout dans le néant à la mort. Ça mérite de s’intéresser au néant ; qu’est-ce que c’est ? C’est au sens propre l’état d’être de ce qui n’est pas. Aïe ! Comment ce qui est peut-il en même temps ne pas être ? Comment peut-il y avoir un état qui n’est pas, puisque la définition d’un état, c’est d’être… Vite, une aspirine ! D’ailleurs comme notre existence n’est pas du néant, ce point de vue ne nous épargne pas l’angoisse de l’inconnu.

Tournons-nous maintenant vers les témoignages de personnes laissées pour mortes et revenues. Il y en eut de tous temps. Toutes, elles affirment qu’il n’y a pas d’extinction de la conscience après la mort. Chez les Grecs il y a 2500 ans, Platon raconte l’histoire d’Er, plus connue sous le nom de « mythe d’Er. » Er était un soldat qui mourut au combat. Le lendemain, à l’heure de s’occuper des morts, on le ramassa sur le champ de bataille et on le hissa au bûcher pour sa crémation. Mais, léché par les flammes et soudain surchauffé, il se mit à hurler qu’il était vivant. Au plus vite on le descendit, on le délia, on le questionna. Alors il livra l’étrange récit d’une expérience post mortem assez poussée dont vous trouverez le détail dans le livre X de la République.

De nos jours les témoignages de NDE (Near Death Experiency) se comptent par milliers. Chez nous, le docteur Jean-Jacques Charbonier, médecin anesthésiste en réanimation, a collecté des dizaines de récits qu’il a intitulés « expériences de mort provisoire » et non pas « expérience de proximité de la mort » au vu d’un électro-encéphalogramme plat, c’est à dire d’un cerveau aussi cliniquement mort que l’était déjà le cœur. Certains rescapés ont donc été ressortis on ne sait pourquoi des tiroirs de la morgue ! Notons que le docteur Charbonier en a même fait sa thèse, une thèse reçue avec mention ! Entre nous soit dit, cela fait de la France le premier pays à valider de façon scientifique qu’il existe une vie après la mort.978_2_8132_0889_7_une_185_229_1446017916

A ce titre, j’aimerais vous partager une expérience personnelle. Mon mari mourut d’un long cancer incurable, squelette enrobé de peau. Il était d’un athéisme militant et ma bigoterie avait été longtemps entre nous une source de tension. Pourtant, je luis avais promis qu’il existait une vie après la mort et qu’on avait rien à craindre d’aimer. Je lui avais dit : « Écoute, si de l’autre côté, tu t’aperçois qu’il serait bon que tu reviennes vivre avec nous, demande-le. Tout est possible. En tout cas, quelle que soit la décision, fais-nous signe. » Je le veillais la nuit de sa mort avec deux amies proches. Il mourut un peu avant minuit, nous n’avons pas débranché l’oxygène qui sifflait uniformément, ssssssss, faute de son inspire. Nous l’accompagnions dans l’idée qu’il pourrait revenir. Et voilà qu’au milieu de la nuit, il a bougé les jambes, tandis que l’oxygène s’est mis à rythmer à nouveau une respiration des poumons ssss-fffff, ssss-fffff. Nous étions trois, nous l’avons toutes les trois vécu, ce n’était donc pas une hallucination. Cela dura un bon quart d’heure, puis, doucement, cela s’éteignit définitivement. Il était revenu nous dire que oui, la vie existait finalement après la mort puisqu’on ne revient pas du néant n’est-ce pas, et que oui, il partait pour de bon de l’autre côté. Un petit au revoir en somme.

Quelles sont les grandes lignes de ce qui l’attendait ? Eh bien, en général les témoins du docteur Charbonier considérés comme cliniquement morts, déclarent s’être vu sortir de leur corps, puis avoir regardé leur vie entière défiler en moins d’une seconde. Ensuite, ils sont partis pour quelques uns vers des zones effroyables, et pour la plupart vers une lumière merveilleuse et remplie d’amour dans laquelle ils n’ont pas eu le droit de se fondre puisqu’ils allaient redescendre sur terre. Si le cerveau est mort et si la conscience continue, que pouvons-nous en déduire ? Que la conscience n’habite pas dans le cerveau, et donc, qu’elle est ailleurs, disons qu’elle est « aussi » ailleurs.

Les enfants imaginent un temps que Petit Ours Brun court derrière l’écran qu’ils regardent, mais un jour ils comprennent que l’image vient d’ailleurs, et que c’est pour ça que les océans ne noient pas la télé ! Comme l’image représentée sur l’écran est infiniment plus vaste que lui, de même les témoignages de rescapés montrent une conscience bien plus puissante que nos neurones. Nous sommes bien incapables de programmer la vision de notre existence entière en une seconde. Et que dire de l’amour qu’ils ont ressenti ? La sensation d’amour dans l’univers est décrite par les revenants comme une énergie infinie et continue. Le nôtre est bien fragile, il dépend du pied duquel nous nous sommes levés, et nous n’avons pas appris à l’étendre à tout le vivant, des étoiles aux virus mortels. Et est-ce pour nous une énergie, un moteur ? Quant à la lumière, Nicole Montineri, qui a vécu une expérience de mort en dit ceci : « Quand je suis partie vers ce qu’on nomme la mort, mon activité mentale était complètement stoppée. Cependant je me savais être une présence au sein d’une énergie lumineuse qui communiquait. Tout était perçu dans la lumièrclouds-808748_640e et par la lumière, c’était la lumière qui m’enseignait ».

Alors que conclure ? Que la peur de la mort n’est pas obligatoire. En fait, il n’est pas nécessaire de poser un crâne à côté de notre petit-déjeuner pour la désamorcer, il suffit de nous rendre compte qu’elle n’existe pas. D’ailleurs, nous ne nous inquiétons pas de ne pas être nés cent ans plus tôt… Pourquoi ? Parce que quelque chose en nous est rassuré, sait que nous étions bien avant d’arriver, mais hors du temps.

Alors certes, quand nous allons mourir, quelque chose va prendre fin : notre existence apparue dans le temps va disparaître, nos sensations terrestres et toute notre histoire avec. C’est pour ça qu’il est important qu’elle ait été belle : elle ne se reproduira jamais, elle est unique. Notre corps, poussière d’étoiles va se rendre aux étoiles, mais il n’en souffrira pas, voir le reste se dissoudre nous sera un arrachement si nous ne l’avons pas quitté avant, au point que cela rende notre mort difficile. A ce sujet le mot agonie vient d’un mot grec qui signifie « combat », un combat perdu d’avance. Un combat sans raison car l’autre état est un état de lumière d’amour, d’absolue énergie. Il est information et connaissance infinie. N’étant jamais apparu jamais il ne disparaîtra, il est immortel et éternel, atemporel plus exactement. Il est nous aussi depuis avant notre naissance et là maintenant ici-même nous sommes dedans même si notre perception localisée et focalisée du monde nous égare dans l’impression contraire, dans l’oubli de notre origine.

S’il en était autrement, comment pourrions-nous approcher cet état par la méditation ou dans des expériences de mort  provisoire ? Les sages et les saints quand ils naissent sont unis à leur origine d’amour, d’énergie et de lumière, il ne perdent jamais cette connaissance. Mais nous, dès que notre cerveau nous présente l’idée d’un moi, nous commençons à l’oublier. Nous perdons contact avec notre véritable nature libre, éternelle, infinie, qu’on a nommée nature divine. C’est pourquoi le conseil des taoïstes est simple : « N’oublie pas ton origine. Si tu l’as perdue de vue, tu n’as qu’un devoir, une seule chose à faire de ta vie : retrouver l’Un, et le garder. Cette dimension de toi est là, mais cachée. »

Il ne s’agit pas de renier notre existence terrestre, mais de rétablir le lien avec notre nature essentielle. Dans la sagesse ancienne, cette quête a été comparée à la recherche d’un Trésor caché, ou dans les Évangiles à une perle instimable. Ce Trésor est aussi appelée l’Essence, la Nature, la Source, le Souffle divin, le nectar sacré, l’Amrita… Dans notre existence, cette découverte amène une profonde transformation, transmutation même. Cela signifie changer la peur, l’angoisse, l’agressivité, le doute, la confusion, l’insécurité, la haine et la terreur du néant, en leur contraire. Libérés de la mort, au lieu d’enfumer, nous éclairerons le monde.

Chaque matin de notre existence, à chaque instant même, nous sommes face à un très ancien choix ; nous pouvons choisir de rester dans le monde connu des entités séparées que nous constituons, dans lequel nous connaissons l’obscurité, l’hostilité, la souffrance et la mort. Ou alors nous décidons de choisir d’être réunis à notre source, de travailler assidûment à changer nos perceptions pour voir la lumière par delà les étoiles, derrière ce qui apparaît dans le temps. Chaque jour, on a le choix de chercher notre dimension cachée, le choix de recevoir et partager la Lumière, la Paix et la Joie, la Vie, l’Amour, la Beauté, la Sagesse et la Plénitude, la Vérité enfin. Chaque circonstance de la vie nous y entraîne. Que quelqu’un nous passe sous le nez dans la file d’attente ou nous insulte, ou alors plus grave.  Allons-nous devant un deuil par exemple chercher à traverser le moment dans un état de paisible ouverture  et d’égalité d’âme ?

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Les sagesses anciennes comparaient cette transmutation à la métamorphose mystérieuse de la chenille en papillon. Comment la chose se fait-elle ? Mystère… Mais mystère qui nous indique quand même le lieu du travail : à l’intérieur de notre chrysalide. Cherchons ce Royaume à l’intérieur de nous, dans la profondeur du cœur. Demandons avec confiance à cette dimension divine qu’un jour le voile se déchire et que fonde la larve. Car le salaire de l’enfermement c’est la mort, mais la grâce du déchirement du voile, c’est la vie éternelle dans l’union avec tous les êtres. Alors nous découvrirons ce que nous sommes, et que la mort ne peut toucher. En attendant, envoyons notre amour à ceux qui sont en partance ou qui nous ont quittés, même s’ils nous ont fait du tort, afin que s’ils n’ont pas réussi à lâcher les amarres, notre compassion les oriente vers leur source.

Françoise Gabriel