Les éléments 2 : L’eau

Dans notre voyage à travers les éléments, cette fois nous allons nous intéresser à l’eau. L’eau aujourd’hui est devenue une question. Question de survie pour une bonne partie de la planète, question économique et industrielle, question pour les scientifiques et le corps médical aussi. Mais les religions, les chamanes et les mystiques n’ont pas attendu ce jour pour donner à l’eau une place prépondérante et vénérable. Entrons donc un instant dans le pays de l’eau. Elle est tantôt claire, tantôt ténébreuse, tantôt vive, tantôt stagnante, sa surface et sa profondeur nous disent des choses différentes, elle est douce ou salée, brûlante ou glacée, elle se laisse pénétrer et elle est pénétrante, solvante aussi. Elle lave et elle désaltère ou elle empoisonne. L’eau connaît différents états, solide, liquide et gazeux, et si l’enfant n’assistait pas à ses changements, comment pourrait-il savoir que la glace dure qui sort du congélateur et la vapeur qui s’échappe de la casserole, c’est toujours elle? Vraiment, l’eau est bien mystérieuse … Tellement mystérieuse que le CNRS la classa en 2005 parmi les 10 plus grandes énigmes de l’univers. Nous intéresser à elle, c’est donc entrer dans le mystère. Pour commencer, qu’en est-il de l’eau et de la planète terre ? Qu’est-ce que l’eau a à nous apporter et à nous apprendre?

Notre planète serait inhabitable et inhabitée par des organismes semblables aux nôtres s’il n’y avait pas d’eau, je veux dire d’eau à l’état liquide. Car de l’eau il y en a dans beaucoup d’endroits dans l’univers, mais surtout à l’état de glace, c’est à dire à l’état solide. Par exemple, Mars a probablement bénéficié de l’eau à l’état liquide dans des temps très reculés qu’on chiffre en milliards d’années, mais aujourd’hui il ne reste que des glaces dans son sous-sol et ses régions polaires, et il existe tellement de planètes glacées qu’elles entrent même dans la fiction. L’univers de la Guerre des étoiles compte aussi la sienne, Hoth, lieu de hautes batailles. On sait aussi une comète est composée de 80 % d’eau sous forme de glace, c’est même ça qui lui donne sa chevelure : quand elle s’approche du soleil, la glace fond et vole au vent du vide, derrière la comète qui continue sa course. Certains scientifiques émettent l’hypothèse que ces comètes seraient à la source si on peut dire, de l’eau sur la terre, en tombant sur notre globe et en y fondant. Notre eau serait alors la même que celle d’astres lointains, dans une vibration jumelle avec les confins de l’univers. Et même, les bactéries pouvant survivre des éternités à l’état congelé, la vie sur la terre nous viendrait peut-être d’une planète inconnue, ces bactéries ayant été revitalisées dès que la glace a fondu.

Oui, parlons de l’eau liquide plutôt, parce que la glace ne donne pas à boire et ne permet pas l’éclosion de la vie, pas plus que la vapeur. Il faut de l’eau pour naisse la vie sous la forme que nous connaissons, il en faut pour qu’elle perdure. On peut survivre une trentaine de jours sans manger, et sans eau, combien ? Trois jours. D’ailleurs ce que nous mangeons ne pourrait pas non plus avoir poussé sans eau germinatrice.

Apparemment, la terre ne manque pas d’eau, étant recouverte sur 71 % de sa surface. Mais sur la masse totale d’eau dont la terre bénéficie, l’eau douce grâce à laquelle nous subsistons ne compte même pas pour 5 %, le reste, c’est de la mer. J’ai lu que si on regroupait toutes les eaux douces en une sphère, elle ne compterait que 56,2 kilomètres de diamètre. Par comparaison, le diamètre de la terre est de 12 756,2 kilomètres. Cela ne fait jamais entre le volume de la terre et de l’eau qu’une différence de 12 700 kilomètres et sur un graphique, la disproportion est impressionnante et notre fragilité évidente : les temps actuels prennent conscience que nous en avons peu finalement.

La rareté de l’eau douce explique la situation difficile, voire dramatique de beaucoup de pays dans le monde : sans eau rien ne pousse, avec la soif vient la faim. Les informations qui suivent viennent d’un précieux article du Monde du 20 mars 2015 qui reprend le rapport de l’ONU sur l’or bleu. On y relate que quasiment les trois quarts des habitants des pays arabes vivent en dessous du seuil de pénurie établi à 1 000 m3 par an ; des millions de personnes, donc. La pénurie frappe aussi l’Afrique, ça on le sait depuis longtemps, mais saviez-vous que le Mexique, certains états des USA et même plusieurs régions de Russie et de Chine figurent parmi les pays en risque de bascule vers le manque d’eau ? Que chez nous, tout le pourtour méditerranéen est dans la même situation ? Nous avons tous vu des images désolantes d’enfants suppliciés par la faim et la soif, ou des images de la mer d’Oural desséchée, avec ses rivages piqués de bateaux sans espoir, couchés sur le flanc.

Les humains cherchent un remède à cet état des choses de trois façons principales. Les pays riches comme la Californie et les Émirats arabes unis travaillent à dessaler l’eau de mer. D’ailleurs, ça risque de devenir une activité nécessaire à bien des peuples, dans la mesure où le réchauffement climatique provoque une montée du niveau de la mer et noie les sources en s’infiltrant dans la terre, se laissant aspirer par les poches de vides que nous créons en exploitant massivement les réserves d’eau souterraines. D’autres pays cherchent plutôt comment rétablir un cycle de l’eau que nos activités ont perturbé, par exemple en reboisant ou en dirigeant les nuages. D’autres recherches s’intéressent à la limitation de la consommation industrielle ou agricole de l’eau. Car paradoxalement, nos activités jusqu’à ce soir-même ne tiennent aucun compte de cette pénurie et nécessitent de plus en plus d’eau, au point qu’on prévoit 400 % d’augmentation de besoins d’ici 2050 – rien que pour l’industrie. Par exemple, il faut pour une carte mémoire de 6 pouces 8600 litres d’eau, et on ne voit pas que notre évolution nous permette de nous passer de carte mémoire dans les semaines qui viennent. La consommation d’eau nécessaire à l’agriculture intensive est intensive elle aussi et le niveau des eaux souterraines en Chine a baissé de 40 mètres à cause de sa surexploitation.

Ajoutons que cette pénurie frappe pour l’instant surtout les pays pauvres, et qu’elle entretient la pauvreté. Le manque d’eau participe à l’inégalité économique. Il frappe aussi surtout les femmes, qui doivent encore de nos jours marcher parfois plus de deux heures pour trouver un point d’eau et en rapporter une jarre sur la tête, tandis que leurs hommes ne se sentent concernés qu’au moment d’en boire au village. Vous vous rendez-compte ? Deux heures de marche, c’est quatre heures de déplacement par jour sous un soleil ardent pour ce besoin vital, quatre heures prises sur le plaisir de vivre, de s’instruire, de participer à l’amélioration des conditions de vie et de profiter des enfants. Le manque d’eau participe au maintien de l’inégalité des sexes.

Une prise de conscience agrémentée de décisions pratiques s’impose donc peu à peu dans les sociétés et dans nos vies. A l’école aujourd’hui, on apprend aux enfants non seulement à se laver les dents, mais à couper le robinet d’eau pendant ce temps-là. Quand j’étais jeune, on ne nous transmettait rien de tel (ni d’ailleurs à nous laver les dents, en fait). On suggère parfois aux familles de s’équiper de chasses à débit variable, ou que seul le dernier tire la chasse après les petits pipis du coucher. Vous me direz que tout ça c’est bien peu de choses, mais, pour rester dans le contexte, les petits ruisseaux font les grandes rivières. D’ailleurs, vous imaginez la dépense d’eau soudaine quand les 82 000 spectateurs du Stade de France vont tirer la chasse en moins d’un quart d’heure à la mi-temps ?

M’imaginant la dose de bière ou de coke soudainement déversée dans les eaux usées, j’en arrive à la question plus générale de la pollution. Le mythe de l’eau pure par essence et par nature, capable de traiter et d’absorber toutes les pollutions, le mythe de la mer infinie absorbatrice universelle, ce mythe a fait long feu, si j’ose dire. Aujourd’hui, on sait que ce n’est pas parce qu’il est possible dans certaines conditions de voir l’océan tout autour de soi à l’horizon qu’il est infini. On sait aussi que ce n’est pas parce qu’on utilise l’eau pour se laver qu’elle est propre. Et même au niveau des eaux potables, une étude de 60 millions de consommateurs réduisait il y a deux ans le nombre des sources pures distribuées en bouteille à cause de la présence de produits chimiques et médicamenteux. Les urines et les selles des personnes sous médicaments, chimiothérapie etc, ainsi que les médicaments usagés jetés directement aux toilettes partent dans les eaux usées et s’infiltrent dans la terre, sans parler des bouses de vaches sous antibio et des crottes d’animaux domestiques gavés aux croquettes chimiques.

Bref. Nous commençons à comprendre que nous devons réfléchir à notre usage de la chimie thérapeutique, à comprendre que les usines ne peuvent laisser ressortir les eaux qu’elles ont utilisées sans les remettre dans l’état où elles les avait trouvées quand elles y étaient entrées, et qu’il faut cesser de dégazer les bateaux dans la mer ou de vider les égouts d’une ville entière dans un coin de la côte sans épuration. L’eau est accueillante, certes, elle reçoit, elle intègre, mais ce qu’elle dilue n’est pas dissous et ce qu’elle dissout ne disparaît pas. Mettons du gros sel dans l’eau, nous n’aurons plus de grain mais toujours le goût… Nous sommes entrés dans une conjoncture où il faut laver l’eau.

Laver l’eau ? C’est un choc, un cri d’alarme poussé non seulement sur nos civilisations, mais sur nous. C’est encore plus qu’un cri d’alarme, c’est une terreur, car nous savons intimement que nous sommes constitués d’eau à 75 % à peu près, sauf si on se base sur le nombre de nos molécules. Dans ce cas, c’est pire, on passe à 99 % de présence d’eau dans le corps selon Marc Henri, professeur à l’université de Strasbourg. Or puisque nous entretenons la quantité et la qualité de notre eau en buvant, si nous buvons trop peu ou de l’eau polluée, nous flirtons avec la maladie et la mort. Au contraire, si l’eau est bonne, nous nous réconcilions avec la vie et le miracle est possible. Les milliers de pèlerins le savent bien, eux qui affluent aux sources sacrées du monde entier, dont Lourdes. Les laboratoires qui ont analysé ces eaux tentent de les reconstituer à volonté, et affirment que pour la santé et l’agriculture, les résultats sont spectaculaires, la Sainte Vierge en moins.

Plus encore, l’eau est notre condition de base depuis la conception. Les spermatozoïdes sont immergés dans le liquide séminal, et puis nous avons grandi dans un utérus gorgé de liquide amniotique, véritable élixir dont nous avons bu dès que notre fonction de déglutition a été opérationnelle, soit à 12 semaines. Un jour, le top départ de notre naissance a été donné quand notre maman a perdu les eaux. Et ensuite l’eau de l’utérus s’est muée en lait du sein maternel, sans lui nous serions morts. Il n’y a rien d’étonnant donc à ce que l’eau ait été associée à la maternité dans de nombreux récits mythologiques ou traditionnels. Même notre galaxie porte le nom de Voie Lactée, autrement dit « voie de lait », car elle serait apparue de la royale giclée d’un téton divin: celui d’Héra.

De nombreux mythes clament cette connivence entre l’eau et la maternité. Par exemple chez les latins, c’est l’eau du Tibre qui sortant de son lit tout exprès, sauva Rémus et Romulus abandonnés, affamés dans leur petit couffin. La maternité du fleuve se fit complice d’autres maternités pour le triomphe de la vie et la louve allaita les jumeaux. Un autre couffin célèbre sauva Moïse par la grâce de l’eau du Nil, mais où aurait mené cette intervention sans la conspiration des femmes qui entouraient le petit, la fille de Pharaon, la sœur de Moïse qui monta tout le stratagème, et la mère du petit, nourrice opportune ? La maternité, n’est-ce pas un des noms de l’amour ?

Le miracle de la maternité, c’est le pouvoir de donner forme à ce qui n’en a pas. Avant de recevoir à la clinique un bracelet qui identifia notre forme à un nom, un espace, une famille, nous étions dans le ventre maternel, où notre corps se forma à partir d’une rencontre et du corps de la mère. Et avant ? Le mystère demeure : nous étions dans le sans-forme ou alors nous n’étions pas du tout selon les points de vue, mais ça revient au même pour notre sujet. C’est dans le refuge de l’eau maternelle que la forme nous a été donnée.

Plusieurs mythes racontent que la terre elle-même est née de l’eau. C’est une goutte d’eau coagulée grâce à un traitement spécial sur lequel nous reviendrons une autre fois qui a fait surgir la première île japonaise. Dans la Genèse, nous apprenons dès le deuxième verset que la terre était informe et vide, qu’il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme et que l’esprit de dieu tournoyait sur les eaux.  « Et Dieu dit : Qu’il y ait une étendue (d’autres traduisent « un firmament » entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’entre les eaux. Et Dieu fit l’étendue et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus. » Ainsi baigne la terre. Chez les Grecs, il y a plusieurs versions cosmogoniques, et dans la plus ancienne qu’on tient d’Homère, la terre est entourée par le grand fleuve d’eau pure Océan, source de toutes les sources à l’origine du monde, et qui délimite le ciel et la terre. En Egypte, un Océan primordial remplissait l’univers. Du sans forme naît la forme grâce à l’eau. Les sciences ont rejoint les mythes.

Alors quand l’être humain se baigne dans l’eau, surtout l’eau de la mer – sans jeu de mot, quelque chose de lui sait qu’il est aux sources de la vie, relié à sa mère biologique comme à l’univers. Sombre et souple comme un ventre, la mer le régénère et celui qui se repose sur la grève peut se laisser bercer du rythme des vagues, comme le flux et le reflux d’un souffle maternel ou la régularité d’un cœur qu’on entend à travers l’eau utérine. S’il se laisse aller, il se peut qu’il se sente dans la paix de l’immensité.

Pourtant l’eau n’est pas seulement bienfaisante. Elle donne naissance et elle tue aussi. Elle porte la vie, et elle est capable de la noyer. Elle désaltère et elle empoisonne. Elle envoie de douces ondées et des tsunamis, elle arrose et elle inonde plus ou moins gravement,  puisque ça va jusqu’au déluge génocidaire dont parlent de très nombreuses traditions. L’eau nettoie et elle rouille. Et si vous donnez trop d’eau à une plante, elle va pourrir, trop d’eau dans une maison, elle va moisir. D’ailleurs pour les Chinois, l’eau est l’élément des reins, organes de la puissance sexuelle et associé aux temps de la naissance et de la mort. Pourquoi cet attelage de la vie et de la mort ? Parce que tout ce qui apparaît disparaît et que dès qu’on naît, on va mourir. Eau de vie, eau de mort.

Les mythologies connaissent donc elles aussi les eaux de la mort. En Égypte, on connaissait la barque funèbre lâchée sur le Nil comme aujourd’hui encore sur le Gange parfois flottent les barques de ceux qu’on ne brûle pas. Les Enfers grecs sont séparés du monde de la lumière par un fleuve aux multiples bras dont l’Achéron que doit franchir le jeune défunt pour parvenir chez Hadès. Il en coûte un euro, une obole plutôt, à donner impérativement à Caron le passeur pour un aller simple. Traverser les rives de la mort ne doit pas être si facile, il y faut un guide, un être de connaissance. L’Achéron marquait la frontière avec un inconnu dont on ne revenait pas. Alors bien sûr, la réputation de Caron et de son Cerbère laissait à désirer, mais dans cette occurrence, l’amabilité importe peu. L’essentiel était qu’il fît son travail. Traverser un fleuve ne serait-ce que sur la terre n’est pas facile, il suffit de regarder combien de fleuves forment la frontière entre deux peuples – le Rhin chez nous, pour comprendre combien les hommes répugnaient à courir le risque de la traversée. Au contraire, quand le fleuve est domesticable, voyez combien de villes se sont construites autour de lui : il garantit l’abondance des cultures par son eau fécondante et offre une voie de circulation naturelle. Un fleuve peut être une bénédiction.

Bien sûr, ce n’est le cas d’aucun des autres affluents du Styx qui portent des noms épouvantables. Le mot Styx lui-même signifie « né de la haine », le mot Cocyte veut dire né des larmes des âmes errantes (celles qui avaient oublié leur euro) Phlégéton, l’enflammé, c’est le fleuve de feu qui coule jusqu’aux régions les plus profondes de l’Enfer où se trouvent les damnés de châtiment éternel. Que nous disent les noms de ces fleuves ? D’abord que les Grecs n’aimaient pas mourir, qu’il n’aimaient pas la mort non plus… Mais ils mettent aussi l’accent sur les causes adjuvantes de la mort : haine, tristesse, passion… On peut comprendre alors que chacune de nos émotions négatives nous rapproche du pays des ombres et de la désolation. Les eaux des fleuves ne sont pas toutes claires et désaltérantes, il y a des flots boueux et putrides.

Les débats de la science moderne donnent donnent un éclairage nouveau  sur cette mythologie avec l’idée de la mémoire de l’eau: si les fleuves sont pollués de haine, ce ne serait pas parce qu’ils nous détestent, c’est que nous y aurions inscrit nous-mêmes la haine et la tristesse dont l’information reste engrammée. En d’autres termes, laver l’eau ne concernerait pas que des pollutions chimiques.

En précurseur, Rabelais avait envoyé il y a cinq siècles Pantagruel et Gargantua sur mer et soudain les compères avaient entendu des paroles et des bruits sans doute libérées par l’étrave du bateau, ils étaient seuls à la ronde, cela ne pouvait venir que d’un autre temps. Mais c’est Luc Montagnier qui défendit que l’eau garde le souvenir actif de toute substance même diluée jusqu’à sa quasi disparition (l’équivalent d’une goutte dans l’océan atlantique). Cette théorie n’a pas été bien reçue. A vrai dire, elle a des implications énormes en nous obligeant à reconsidérer le système de transmission de l’information. Si la substance n’offre plus assez de matière pour que la matière soit le support de l’information, et que l’information passe vraiment quand même, c’est qu’elle passe autrement. Si ce ne sont des corps, ce sont des ondes. Voyez ? Dans ce cas, l’eau pourrait aussi être la mémoire de l’univers depuis ses origines, l’étude de l’eau de notre corps révélerait notre histoire exhaustive, et on pourrait soigner les gens avec l’enregistrement du code vibratoire du médicament sans la gélule (c’est un peu le principe de l’homéopathie).

Dans le même registre, les photos d’Emoto, montrant que l’eau est sensible à l’expression d’émotions qui structurent ou déstructurent ses molécules, ont été tellement décriées que je ne les cite qu’en passant.

Pourtant la correspondance des eaux et des émotions est évoquée depuis la nuit des temps car l’eau par sa profondeur insondée et par sa force nous ramène aux pulsions émotionnelles et inconscientes qui nous dirigent. Nous sommes bien ballottés par nos émotions, emmenés par leur flux où nous ne voudrions pas .toujours. Un jour ancien, Xerxès, roi Perse, fut tellement emporté de rage qu’il fit fouetter l’eau de la mer pour la punir d’avoir contrarié ses projets guerriers. Peut-être cela l’a-t-il soulagé, on doute que cela l’ait aidé à mieux contrôler ses émotions par la suite. En tout cas frapper l’eau, ça ne se fait pas et il en fut puni par les dieux, puisque après d’importants déboires il mourut assassiné.

A l’inverse, nous connaissons par Mathieu l’exemple de Jésus marchant de nuit sur la mer démontée. Dès que les apôtres distinguent sa tunique blanche, ils ont peur d’un fantôme ; ils sont déjà effrayés dans les ténèbres, secoués dans leur barque par la tempête. Pierre prend à parti Jésus, le voici qui hurle par-dessus le vent : « Si c’est toi, commande que je vienne à toi ». Il savait bien qu’en ce qui le concernait, le travail n’était pas fait. D’ailleurs, il était en train d’avoir peur du vent, de la mer, de la mort et du fantôme ; sa requête relevait du défi, du « même pas peur » de l’enfant. Rien de bien apaisé là-dedans. Le maître accède à son désir, Pierre sort de la barque mais il ne fait pas trois mètres. Il sombre. Que comprendre ? Que cela ne s’improvise pas, la maîtrise des émotions et qu’on doit s’y entraîner personnellement pour s’en approcher, oui. Mais la leçon n’est pas seulement là. Jésus lui répond, tout en le sauvant : « Homme de peu de foi » Cela signifie que la foi c’est comme le reste, cela aussi s’exerce et qu’il n’avait pas non plus fait le travail de ce côté-là. En d’autres termes, le monde de Pierre est un monde ancien que sa foi n’a pas réussi à renouveler par la pratique et le maintien de la vision d’un monde nouveau, par l’entraînement à la confiance dans une force transcendant les tempêtes de l’existence. Le récit s’achève avec l’entrée de Jésus dans la barque, événement qui apaise la tourmente sans qu’un mot n’ait été dit et qui stupéfie les pêcheurs. En d’autres termes, celui qui, relié à la Sagesse et à l’Amour voit ses émotions sans en être gêné les désactive : l’identification a cessé, il est libre. Et quand les tempêtes intérieures s’achèvent, l’extérieur se calme.

C’est sans doute aussi le sens du passage de la mer Rouge par Moïse et son peuple. Vous vous souvenez qu’il s’agissait d’aller sur la terre promise. Dans cette nouvelle contrée, l’eau est sans danger, elle est représentée par le lait nourricier et le miel de la douceur et de la lumière. Mais pour accéder à cette terre, il faut traverser la mer à pied sec. Indépendamment des interprétations historiques, voyons que la terre promise est en nous, et la mer aussi. Quelle mer ? La Mer Rouge, rouge comme le sang de l’incarnation, rouge comme les passions, c’est la mer des émotions. C’est une masse énorme dont le déni ne nous délivre pas. Au contraire, comme le disaient aussi les fleuves grecs, ne pas les prendre en compte mène à la mort. Dans ce passage de la Bible, il est dit très clairement que si nous ne traversons pas le barrage de nos émotions, nous serons rattrapés par les armées de Pharaon et exterminés. Que représentent ces armées à notre échelle ? Les mémoires ancestrales par exemple et les conditionnements qui ont activé en nous un programme d’impuissance et d’asservissement au pouvoir de Pharaon, c’est-à-dire au pouvoir de l’argent et de la force. Programme de reddition et d’acceptation de l’esclavage et de la mort. Comme disent les bouddhistes, destin de fatalité. Voilà. Il est clairement dit aussi que notre force personnelle y est impuissante. Sans Moïse, le peuple va mourir. Et Moïse qui parle avec Dieu a besoin de son bâton, qui est la force divine en lui, pour ouvrir la mer.

Cette force est conditionnée en cette circonstance par ce que Jésus appelle la foi. Vous imaginez-vous acculés au bout du désert, poursuivis par une armée en furie avec votre peuple de milliers de femmes et d’enfants, de craintifs, de vindicatifs et de malades ? Ce peuple, c’est nous, avec nos millions de cellules et de mémoires. Moïse ne pouvait se permettre le moindre doute, nous non plus. Si nous manquons de foi et de détermination, jamais nous ne ferons passer notre peuple. La confiance jusqu’au mur de la mer, ça se travaille, et ça se demande. Alors sommes nous prêts au training de la foi et du bâton de pouvoir ?

A supposer que nous en ayons le désir, comment faire ? C’est encore l’eau qui peut nous répondre, mais aucune des eaux que nous avons rencontrées jusqu’à maintenant ; alors laquelle ? L’eau du lac et son reflet magique. Bachelard, dans L’eau et les rêves admire comment dans la nuit le ciel s’y renverse si bien que les étoiles sont des îles tandis que volent les poissons au firmament.  Elle est fascinante, la vision de l’image inversée qui se dessine dans l’eau du lac : elle peut nous conduire à la vie et à la mort.

Si nous regardons seulement en bas, nous prenons la carte pour le territoire et l’image pour la réalité. Mais la maison reflétée dans l’eau, si belle soit-elle, ne nous logera pas et Narcisse piégé par son reflet qu’il voit à l’extérieur de lui ne s’appartient plus ; amoureux de rien, il est condamné au désespoir. Sa conscience ultra focalisée sur son image l’a rendu prisonnier de l’illusion que son reflet était plus désirable que les cadeaux du présent. Pauvre Narcisse ! Ne vois-tu pas que ton reflet c’est ta mort ? Quand tu vas basculer, tu découvriras sous la surface trompeuse la profondeur véridique de l’eau. Dans ta prison, tu as perdu la vastitude de l’instant présent, et aliéné par ta pensée, tu t’es mis à errer dans le temps : tu as eu l’obsession de tes rendez-vous et tu les as ressassés, tu as ressenti le désir et tu as vécu le manque. Ah combien de journées as-tu perdu à te réfugier dans le souvenir de ton reflet, ou à te projeter dans l’avenir et l’attente de te revoir ? A ta mort soudain, à ta mort enfin, le présent, mais tu ne l’auras rencontré que pour le quitter. Mes amis, ce tragique destin, n’est-ce pas un peu le nôtre aussi ? Obsédés par le temps et la forme, les images, les désirs et les manques ?

Il ne s’agit pas de contester l’existence ni la beauté du reflet ondulant sur le lac : c’est bien l’image magnifique de Narcisse. Mais ce qui a échappé à Narcisse, parce qu’il a oublié de regarder en haut où le vrai ciel se déploie, c’est qu’il est lui même dans sa beauté le reflet de la puissance de la « grande mère », pour parler en chamane. Le reflet nous invite donc à des jeux de miroir jusqu’à la conscience créatrice qui se mire en sa création, comme le signifient les récits sans nombre de dieux ou de déesses au miroir : Vénus, Isis, et plus loin de chez nous, Xiuhcohatl et Tezcatlipoca au Mexique ou Amaterasu au Japon, entre autres. Alors, si notre conscience s’ouvre complètement à la conscience universelle, nous en recevrons le pouvoir. Debout devant la mer, lorsqu’il faudra lui ordonner de s’ouvrir, elle obéira, qu’elle soit masse d’eau ou masse d’émotions.

Revenons encore un instant à l’enseignement du lac. Que dit-il encore ? Que la tragédie, c’est à l’extérieur et en bas qu’on la trouve. Pour la vie, s’adresser donc à l’intérieur, et en haut. Oui, mais comment ? Pour que l’image reflétée dans l’eau du lac soit claire, il faut une condition absolue : que l’eau soit calme et paisible, sinon, sa surface agitée brouillera l’image. En d’autres termes, pour la vision intérieure du ciel et l’univers entier, il faut à l’intérieur de nous le calme et le silence. Hélas, en ce qui nous concerne, la longe de notre asservissement à la pensée est bien trop courte et nous galopons autour du piquet, poursuivant l’une ou l’autre pensée, et poursuivis par elles. Comment nous en libérer ?

Une réponse possible, c’est encore l’eau qui nous la donne et ce sera mon dernier point. En préparant cette conférence, je suis tombée sur la remarque que l’eau c’est H2O, c’est à dire hydrogène et oxygène ? L’oxygène est très inflammable, et l’hydrogène au contact de l’oxygène devient lui-même inflammable. Ceci nous donne une caractéristique très étonnante pour l’eau : ensemble, ses éléments sont amis du feu. Ça m’a fait réfléchir. L’eau, dans certaines conditions, peut donc logiquement avoir l’effet du feu et consumer toutes les scories qui bouchent nos conduits, qui emballent notre moteur jusqu’à la folie et le font tousser jusqu’à la maladie ? Tous les dysfonctionnements qu’ont provoqué nos pensées et qui nous détraquent à leur tour pourront disparaître dans cette eau de feu.

Mais de quelle eau, feu qui ne blesse pas, de quelle eau s’agit-il  ? De l’eau verticale qui relie le ciel et la terre, qui remet en connexion l’être coincé dans le temps avec son éternité naturelle. Une eau d’amour. Jonction de l’eau céleste et de celle de notre corps, « eaux d’en haut et eaux d’en bas, » de l’eau pure et de l’eau déformée par la souffrance de l’humanité dans nos veines. Une eau qui un jour pourrait jaillir de notre propre cœur comme une source vive si nous savons l’appeler.

On trouve donc logiquement une fontaine jaillissante dans le paradis d’Allah, tandis que du temple de la Jérusalem céleste jaillit une source régénératrice et fécondante qui assainit tout sur son passage. Sur la terre, le Gange, le Nil et le Jourdain pour ne citer qu’eux, sont des fleuves sacrés, reliés d’une façon ou d’une autre aux sources célestes. On se baigne aussi dans l’eau de Lourdes. Faut-il alors partir en pèlerinage ? Pas nécessairement, puisque toute eau peut devenir ce lien guérisseur. Il y a bien de l’eau dans tous les bénitiers à l’entrée des églises, et Amma fait des cérémonies de bénédictions de l’eau partout où elle rencontre les gens. Et si on ne se sent pas envie de religion ? Eh bien, nous pouvons la bénir nous-mêmes en demandant à l’amour et à la lumière de descendre dedans, et si nous nous sentons chamane en demandant aux esprits de l’eau de nous nettoyer, en appelant le ciel dans l’eau par toute notre créativité innocente et joyeuse. Allons plus loin. Puisque la physique quantique a démontré que l’information n’a pas besoin de matière pour circuler, nous savons désormais que sans aucune compétence et sans aucun frais, nous pouvons nous connecter à la fréquence de l’eau de feu par notre simple intention. Depuis des siècles les taoïstes le savaient, et c’est une vieille méditation taoïste que celle de la cascade. Pour clore cette conférence, si ça vous dit, allons nous y baigner quelques instants.

Pour y aller dans un esprit confiant, écoutons encore ce que nous murmurent la source et l’eau qui bout. La source qui jaillit pure à l’air libre nous rappelle que son eau faisait chemin dans les profondeurs. Et juste avant son émergence, elle était toujours dans le noir, se savait-elle si proche de la lumière ? Ainsi de nous. A certains moments, nous avons peut-être l’impression de « ramer »   dans le noir, ça ne veut pas dire que nous soyons loin de l’air libre. Et l’eau qui s’évapore, que nous dit-elle ? Elle nous chuinte qu’il n’y a pas de quoi dramatiser. Même s’il n’y a plus rien dans la casserole et si la rosée a disparu, l’eau reviendra dans une pluie nouvelle.

Grimpant donc légèrement dans le paysage de notre choix, glissons-nous sous une cascade remplie de soleil. Elle descend des hauteurs où la sagesse, l’amour et la puissance de guérison n’ont pas de limite, où la vie ne connaît pas de mort. Invitons cette eau à traverser notre corps et toute notre aura. Ouvrons-nous à son action bienfaisante et dans une totale détente et ouverture, laissons-la nettoyer notre cerveau et toutes nos cellules, laissons la emporter ce dont nous n’avons plus besoin. Demandons lui de rouvrir en nous les sources d’eau vive et disons merci.

Françoise Gabriel

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